Le droit à l'image

 

L’école et le droit à l’image
 
Photographies de classe, trombinoscope et annuaires, journaux scolaires, sites Internet, vidéos à caractère professionnel, productions d’élèves dans le cadre des nouvelles pratiques pédagogiques (itinéraires de découverte, travaux personnels encadrés, projets pluridisciplinaire à caractère professionnel… ) : les occasions ne manquent pas de voir effectuer dans les établissements scolaires des prises de vue puis, éventuellement, utiliser les images obtenues, en les diffusant, c’est-à-dire en les exposant, en les éditant ou en les publiant, voire simplement en les faisant circuler de la main à la main. Or, même si les images captées sont adéquates, pertinentes et non excessives eu égard aux finalités pour lesquelles elles sont sollicitées, l’actualité judiciaire est là pour nous rappeler que l’on ne peut pas photographier ou filmer, ni a fortiori, publier ou diffuser les images représentant des personnes reconnaissables, sans s’entourer d’élémentaires précautions. Les établissements scolaires sont obligés, aujourd’hui plus que jamais, de prendre en compte les aspects juridiques liés au nécessaire respect du droit à l’image qui, il faut le souligner, est attaché à la personne humaine.
L’exercice de ce droit pose deux séries de questions : le droit de la personne au respect de son image peut s’opposer, simplement, au droit de celui qui saisit et utilise l’image (peintre, photographe, cinéaste… ) ou ce droit peut entrer en conflit avec la liberté d’expression et le droit à l’information, lorsque les médias diffusent des informations illustrées d’images représentant des personnes reconnaissables.
 
PRINCIPE
 
Selon une jurisprudence constante, toute personne, fût-elle inconnue ou mineure d’âge, possède un droit absolu sur son image quel que soit le support (dessin, peinture, photographie, film, enregistrement télévisé). La règle est simple : personne n’a le droit de fixer, reproduire et diffuser l’image d’autrui sans son consentement. Le "droit à l’image" (ou plus exactement le droit à la protection de son image) comporte donc deux attributs : d’une part le droit d’autoriser ou non à être photographié ou filmé selon un cadrage qui permet d’être identifié sans trop de difficulté (on est clairement reconnaissable sur la photographie ou dans le film) et d’autre part, le droit d’autoriser une utilisation distincte des images ainsi obtenues, qu’il s’agisse d’images 
fixes ou animées, et ce quel que soit le support utilisé, y compris le réseau internet.
         
Quelques règles élémentaires
 
1  – Le simple consentement donné à la prise de vue, qui d’ailleurs peut être présumé dans certaines circonstances, n’implique pas de plein droit l’autorisation de reproduire et de diffuser l’image ainsi obtenue : une chose est d’être pris en photo ou filmé, une autre de voir son image reproduite, publiée ou diffusée. C’est pourquoi le photographe ou le cinéaste qui voudra porter à la connaissance du public ou d’un tiers l’image réalisée, soit en la faisant publier, soit simplement en la montrant ou en la projetant à diverses personnes, devra obtenir, de façon expresse, l’accord de l’intéressé. C’est ainsi que toute utilisation par l’administration des images des personnels et des usagers du service public de l’éducation est subordonnée à leur consentement express.
 
2 – Le consentement donné par la personne à la reproduction, la publication ou la diffusion de son image ne peut être que spécial : il doit porter sur une image ou une série d’images précisément définie. Une autorisation générale, c’est-à-dire un accord donné à toute publication ou diffusion, présente et future, de son image serait dépourvue de valeur juridique. L’autorisation doit donc mentionner clairement l’objet et le contexte de la prise de vue.
 
3 – Le consentement à la prise de vue et à son utilisation n’a de valeur que s’il a été donné en connaissance de la nature exacte et des modalités précises de l’utilisation prévue : l’autorisation doit mentionner le nombre de photographies qu’il est envisagé de faire, l’identification du support de publication ou encore le public auquel le film ou le reportage est destiné. En tout état de cause, toute garantie doit être donnée à la personne quant à l’utilisation de son image. 
 
4  – S’agissant de la forme de l’accord, s’il s’avère exact que le photographe ou le cinéaste ne tendra pas toujours un document prêt à signer à la personne dont il souhaite capter et diffuser l’image, il n’en reste pas moins vrai que l’écrit constitue le plus sûr moyen de preuve. Il appartient en effet à celui qui reproduit une image de prouver qu’il a été autorisé à le faire. Il est donc vivement conseillé, surtout en l’absence d’urgence, de solliciter un consentement écrit.
 
5 – Pour la prise de vue d’un enfant et l’utilisation de l’image le représentant, il convient de distinguer selon que le mineur est ou non capable de discernement. Si le mineur n’est pas capable de discernement, seuls ses parents (ou son représentant légal) ont qualité pour donner l’autorisation de capter et d’utiliser son image. Si en revanche le mineur dispose du discernement suffisant (parfois dès l’âge de 7-8 ans en pratique),  son consentement est nécessaire. Mais il n’est pas suffisant : l’autorisation des parents (ou du représentant légal) est toujours exigée. En tout état de cause, aucune autre personne que les titulaires de l’autorité parentale n’a capacité à donner l’autorisation de publier ou diffuser l’image d’un enfant. Il a été ainsi jugé que l’autorisation d’un directeur d’établissement accueillant et hébergeant des enfants handicapés  – mais le 
jugement aurait été sans doute le même pour n’importe quel autre type d’établissement  – ne pouvait 
remplacer celle des parents.
         
6 – Même autorisée, la publication ou la diffusion de l’image d’une personne ne doit pas porter atteinte à sa dignité. Par ailleurs, l’apposition d’une légende ou de commentaires nuisibles au sujet photographié ou filmé est sanctionnée de la même façon qu’une publication ou une diffusion non autorisée. En effet, le plus souvent, une photographie publiée ou un film diffusé est accompagné d’une légende ou de commentaires : le consentement d’une personne à la publication ou à la diffusion de son image implique alors en principe son accord à l’apposition d’une légende ou de commentaires. Mais si cette légende ou ces commentaires sont susceptibles de nuire à la personne photographiée ou filmée en portant atteinte à sa vie privée(1) ou à sa réputation(2), la responsabilité du photographe ou du cinéaste sera engagée.
 
7 – La publication ou la diffusion ne devra pas excéder les limites de l’autorisation donnée : l’accord donné à une utilisation particulière de son image ne peut être considéré effectivement comme un accord tacite à une utilisation massive du cliché ou du film. Dès lors, toute nouvelle utilisation des images (en terme d’objectif, de support et de public destinataire de la diffusion) nécessite à nouveau l’autorisation de la personne concernée. C’est ainsi, par exemple, que l’autorisation donnée par un agent ou usager d’être photographié en vue de la réalisation d’un "trombinoscope" n’implique nullement la possibilité pour l’administration de mettre ce document en ligne, sur son site Internet, sans un accord préalable des intéressés, l’objectif, le support et le public concernés étant différents.
 
 
(1) s’agissant d’élèves, la précaution consistera à ne les représenter que dans le cadre du déroulement d’activités pédagogiques ou dans des attitudes totalement anodines, banales et courantes qui ne révèlent aucune intimité particulière.
(2)par exemple, image désobligeante ou qui représente la personne de façon ridicule.